Psychogénéalogie
Psychanalyse transgénérationnelle
C’est la conjugaison de la psychologie (ce qui relève du psychique) et de la généalogie (l’étude des origines, des gènes, et donc de la filiation).
Nous sommes le produit d’une histoire et promoteur de l’histoire du monde. Même ceux ou celles qui sont abandonnés à la naissance ont une histoire qui les précède.
La particularité de la psychogénéalogie est d’allier nos représentations de l’histoire familiale, dans la façon dont nous avons construit notre réalité intérieure de la famille, avec des informations d’état-civil, c’est-à-dire tout un aspect factuel qui complète, enrichit et donne sens à ce travail thérapeutique.
La psychogénéalogie est aussi connue sous le nom d’ « analyse transgénérationnelle ». Parmi les pionniers de cette discipline, le psychanalyste Didier Dumas, spécialiste des enfants psychotiques dont il cherche l’amélioration en éclairant l’histoire familiale, souligne qu’elle se distingue de la psychanalyse classique par le fait que le patient investit un travail analytique qui ne s’arrête pas à son enfance.
Gardant pour socle le cadre classique d’une psychothérapie analytique, elle déploie le travail thérapeutique au-delà encore, en permettant au patient d’accomplir une investigation dans son histoire personnelle et familiale, à la croisée de ses lignées, et sur plusieurs générations. Telle une recherche, l’avancée se fait à partir d’indices et d’empreintes psychologiques, mais aussi sociales, culturelles, politiques et historiques, entre dits et non-dits, su et insu, et au gré de recherches, un peu à la manière d’un détective sur les traces d’une énigme : celle des origines, mais aussi des transmissions et des héritages, conscients ou inconscients.
L’analyse transgénérationnelle cherche à montrer qu’il existe une forme de reproduction inconsciente entre les générations. Son objectif est d’analyser les difficultés du présent en tenant compte du passé familial. Pour cela, il s’agit d’explorer celui-ci pour mettre en lumière les transmissions, les schémas inconscients, les syndromes d’anniversaire, les loyautés invisibles qui ont pu marquer l’inconscient collectif familial, et notre évolution dans le chemin de vie vers notre Être profond.
Sans que nous le sachions, cela peut avoir pour origine un secret, un deuil, un traumatisme, une maladie, une malmort… ou encore un exil, une exclusion… proches ou lointains dans le temps. Le psychanalyste Serge Tisseron explique ainsi le mécanisme de transmission d’un secret de famille : à la première génération, il est « indicible », à la seconde génération, il est « innommable », et à la troisième, il devient « impensable ».
Identifier dans les lignées ces « nœuds » douloureux qui, de façon mortifère, bloquent la fluidité aux générations suivantes, permet de les reconnaître, de les réintégrer avec un sens dans une ou des histoire(s), et ainsi de les dénouer pour s’en libérer ou encore pour les faire fructifier, en en assumant l’héritage.
En ce sens, le travail thérapeutique sur le transgénérationnel est vecteur de clarification et de profond changement. Il éclaire la place de l’individu au sein d’un complexe collectif dont les transmissions sont tissées de matières factuelles (visibles) et inconscientes (invisibles). Il ne repose aucunement sur une théorie du déterminisme (en psychanalyse, le sujet n’est pas déterminé, mais construit sa réalité à partir d’éléments divers), mais sur une vision de l’individu au cœur d’un système plus vaste, avec lequel il interagit, psychiquement et socialement.
Comme l’a largement éclairé le sociologue Vincent de Gaulejac dans ses nombreux écrits, il existe aussi une dimension sociologique de la transmission familiale. « L’histoire de chaque individu est emboîtée dans une histoire familiale, elle-même insérée dans une histoire sociale ». Aussi l’homme est à la fois histoire et maillon dans une chaîne de générations.
L’approche transgénérationnelle et contextuelle (par rapport à un travail thérapeutique analytique classique) permet d’explorer la dynamique de construction du sujet, face à son histoire, à sa généalogie, aux processus de transmissions transgénérationnelles, et aux déterminations sociales dans un contexte spécifique (socio-historique, politique, culturel…).
Au sujet des fantômes, et de cette espérance de l’être humain de pouvoir penser que les morts ne sont pas absents, mais invisibles, le philosophe Michel Cazenave, spécialiste de Jung, écrit : « C’est un questionnement qui revient dans presque toutes les cultures, même si la civilisation occidentale l’a oublié depuis le rationalisme hérité du XVIIIe siècle. Nous sommes sans cesse revisité par l’esprit de nos ancêtres… »
"J’habite une blessure sacrée, j’habite des ancêtres imaginaires, j’habite un vouloir obscur, j'habite un long silence..." Aimé Césaire